Markela – chronique

Sur lelitteraire.com, Jean-Paul Gavard-Perret publie cette belle chronique sur le roman de Thanas Medi, Markela.

« Après Le der­nier mot de Sokrat Buba ins­piré des légendes bal­ka­niques, Tha­nas Medi quitte le roman des rêves (enfin presque…) pour celui du réel. Et nous voici rame­nés aux tristes jours (il faut plu­tôt par­ler d’années) au cœur de l’Albanie com­mu­niste. L’auteur y insère comme dans sa pre­mière fic­tion une his­toire d’amour. Mais plus que jamais, elle finit mal et son rayon de des­truc­tion va atteindre trois vic­times.
Le lec­teur est trans­porté dans un monde où la dic­ta­ture des com­mu­nistes avance mas­quée sous la cou­ver­ture d’un mar­xisme qui s’affiche comme la solu­tion idéale. Pour par­ve­nir à ses fins, le régime main­tient le peuple dans un asser­vis­se­ment idéo­lo­gique. Il ne pense plus et vit sous le règne de la ter­reur et de l’anéantissement. La police poli­tique toute-puissante condamne cou­pables et non coupables.

Nous retrou­vons un monde qu’Orwell et le Kafka du Pro­cès avaient déjà ouvert. Mais ici la ver­sion bal­ka­nique n’a rien à envier à leurs pays ima­gi­naires. D’autant qu’ici il ne baigne plus au sein de la fic­tion mais dans une réa­lité où cha­cun vit dans la peur de l’autre et de soi-même. En effet, les êtres s’espionnent les uns les autres et toutes les mani­pu­la­tions et tra­hi­sons sur­gissent au cœur même des familles. Dès lors, il est facile de com­prendre que l’amour mène à la ruine.

Tel est donc le des­tin grevé de bien plus que d’incertitudes de celle qui, très vite, ne peut non seule­ment rien attendre de sa vie mais ne peut même pas rêver. L’auteur lui mani­feste une com­pas­sion par­ti­cu­lière. Ses tour­ments retiennent autant — et parce que son his­toire en est indis­so­ciable — que les vicis­si­tudes de pays. Les dan­gers planent sur toute rela­tion sen­ti­men­tale et cela devient une his­toire dra­ma­tique comme il y en a tant eu, là où il est impos­sible d’échapper au regard des autres et à leur vindicte.

Qui plus est, tout amou­reuse ou amou­reux devient citoyen de deuxième zone et une sorte de chair étran­gère à celles et ceux qui sont deve­nus des loups pour les autres et où la dis­ci­pline du parti et de son pou­voir  s’impose dans l’absolu.  Tout le monde, rési­gné et sou­mis, est condamné à dis­pa­raître et si pos­sible sans lais­ser de trace.

Jean-Paul Gavard-Perret

https://www.lelitteraire.com/?p=97389

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *