Années pérégrines – chronique

Jean-Paul Gavard-Perret

Invi­ta­tions aux voyages

Les mots en inci­pit de Proust — « Comme le bou­quet qu’un voya­geur nous envoie d’un pays où nous ne retour­ne­rons plus, faites-moi res­pi­rer du loin­tain de votre ado­les­cence ces fleurs des prin­temps que j’ai tra­ver­sés il y a bien des années. » indiquent par pro­cu­ra­tion les « Années péré­grines » sous forme d’un récit qui devient la quête conti­nue de soi-même.
Le tout en une suc­ces­sion de sen­sa­tions, d’émotions, de réflexions et ce, de digres­sions en digres­sions par une prose poé­tique par­fois volon­tai­re­ment neutre mais néan­moins inci­sive. La France y est décrite – en pas­sant entre autres aux Alpes lors du Tour de France – mais s’y mêlent d’autres diva­ga­tions foraines. Le tout pour recons­ti­tuer la trace de l’enfance puis le récit pro­fes­sion­nel d’une vie.

Cyril Bois­nier reste un voya­geur qui fait abs­trac­tion des obs­tacles. en neuf cha­pitres. L’âme des pay­sages s’y exalte en cette iti­né­rance bou­le­ver­sée, fer­ti­li­sée par la langue bour­rée de des­crip­tions, d’enthousiasmes et d’épanchement. Cela témoigne d’un besoin vis­cé­ral d’évasion nourri aussi par ses lec­tures (Verne par exemple) ou d’autres médiums.
Tout se révèle « sous les houp­piers » , sur la lumière tos­cane et bien d’autres lieux encore. Cha­cun des ins­tants nous fas­cine. Là où le cinéma lui-même n’y est pas pour rien. Rites et cou­tumes se déploient au sein des des­crip­tions. Chaque détail sort de par­tout grâce à la verve de l’auteur qui devient lui-même le monde. Il est capable de per­cer les insi­gni­fiances et les signes du néant.

Il aime les ren­contres des hommes comme aussi « les troncs noueux et ridés des oli­viers sau­vages », les chênes, les mina­rets proches de figues de bar­ba­rie. Pour lec­trices et lec­teurs, il existe tant de fes­tins car, pour ouvrir l’appétit,  les mots ont à dire « un peu gomi­nés » ou de poils noir rasés de près. Si bien que notre esprit se fait voyant et un air frais le ras­sé­rène.
Le monde grouille de l’ancien et les guerres jusqu’à l’ère indus­trielle. C’est comme si la terre trem­blait à la ren­contre de tout ce qui nour­rit l’histoire (par­fois cruelle) en ce voyage ini­tia­tique par lequel — de L’inde, de Pologne jusqu’à Cour­che­vel — le pro­fes­sion­nel et auteur plé­nier a su tout visi­ter pour don­ner à cha­cun bien des invi­ta­tions escomp­tées. Passionnant.

Jean-Paul Gavard-Perret

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