Le cœur à l’envers

Fitaki Linpé

le poème vient
comme une envie de pisser
de l’enfance
je joue, je joue, je joue
et soudain l’envie pressante
le poème impossible à différer
dictatorial
qui mène je ne sais où
pas vers un trou
j’espère
vers la lumière !
à suivre de toute façon
en pleine confiance
car le poème
m’aime
car le poème
sème
au-delà de la contingence
les fleurs de l’instant
et s’il me prend comme une envie de pisser
je me déleste de ses mots
sur un petit rectangle
blanc
de silence

Recueil de poésie et photographie, format 145 x 205 mm, 134 pages N&B

Nuances

Jean-Marc Percier & Deborah Vittot-Huot

La tradition du haïku invite l’auteur à jouer avec les mots, tels des balles qui dansent au rythme de l’instant. Jean-Marc Percier s’y livre ici, partageant 180 haïkus nés de sa contemplation des beautés du monde, de ses paradoxes et des émotions qu’elles suscitent en lui. Ses poèmes vibrent d’une résonance intime avec le temps, les arbres, les êtres qui croisent son chemin… Joies, désirs et doux étonnements se mêlent en filigrane, tandis que les illustrations à l’encre de Chine de Deborah Vittot-Huot viennent les sublimer dans un dialogue visuel délicat.
Né au Maroc en 1953, Jean-Marc Percier façonna son goût pour l’essentiel et les « mots-clés » au gré de
ses voyages et de son enfance ensoleillée. Aujourd’hui, il goûte aux fruits de la nature depuis son refuge à la campagne.
En écho, Deborah Vittot-Huot, née à Londres en 1970, a trouvé son propre ancrage dans une ferme pyrénéenne. Agrégée d’arts plastiques, elle enseigne et crée avec une sensibilité saillante, ici marquée par le noir profond de l’encre de Chine, qui se prête aux nuances subtiles du haïku, chaque illustration répondant aux poèmes par des instantanés de vie et de temps.

Texticules (Pâte éthique suivi de Elle dort à dos)

Jean-Paul Gavard-Perret

« J’appelle ces courtes proses disparates chargées d’anomalies, elles me laissent perplexe. Tout cela aurait un sens, mais lequel ? Sensuel pour avancer dans l’obscur, à la recherche d’un inconnu qui s’obstine à demeurer clos. Mais, prêtez-leur attention : elles s’empareront de vous. C’est à craindre, mais ce n’est pas sûr. Bénis soient vos élans les plus intimes ! Quant aux mots pour mieux répondre aux questions posées, ils scrutent, sur veillent, fouillent dans tous les plis des lobes qui nous hantent. Chaque question est maîtresse de tout, mais les réponses (forcément ratées) ne signalent pas la vérité ; toutefois, multiple et une, avec l’éclat d’apostasie d’une papesse, je certifie deux hypothèses absolues : la mémoire de l’amour et la longueur d’une robe. »

Tant va le temps

Christophe Donné

Une poésie simple mais empreinte d’une certaine musicalité, des vers à travers lesquels Christophe Donné livre ses émotions profondes, ses réflexions intimes sur l’enfance, l’amour, la vie, et le temps qui lui est imparti. Autant de thèmes universels qui habitent l’âme humaine depuis la nuit des temps, soulevant des questionnements incessants, des mystères à élucider, des illusions à déconstruire, et parfois des obsessions persistantes.
L’auteur de ce recueil, loin de revendiquer l’ambition d’égaler les grands classiques, se propose humblement d’offrir un écho modeste mais sincère des méditations partagées par chacun de ses semblables, un reflet des pensées qui hantent l’esprit humain avec une douceur parfois poignante.

Chronique : Imèn Moussa – « Nos coutures apparentes »

Jean-Paul Gavard-Perret

Lutter

Imen Moussa ouvre sa vie et les femmes  par une lumière reven­di­quée, fruit d’une pas­sion vitale. Grâce à elle, ceux qui tombent amou­reux de leurs erreurs le sont au point d’en faire une rai­son de vie –  à la fin,  leur vérité ne pourra plus jamais appa­raître. Cer­tains « salauds » sont consé­quents et nous espé­rons qu’il auront la volonté de dis­pa­raître de la terre. 
« Dans ma vie, j’ai constam­ment bataillé. J’ai tou­jours eu des épreuves à sur­mon­ter. J’ai appris à tenir ma garde pour ne pas lais­ser trop de chaos s’infiltrer. Les injus­tices me révoltent. Toutes les causes sont miennes. », écrit Imen Moussa. Et son livre est étin­celle. Imen Moussa ne se résigne pas, accepte le sale métier de vivre pour trou­ver un jour peut-être le lieu ou l’existence par­faite. Son lan­gage règne pour savoir pour­quoi c’est ici que nous vivons

Certes, dit-elle, « Par­fois la peine et si immense qu’il vaut mieux s’allonger de tout son long sur le tapis du silence et lais­ser pas­ser l’orage des tumultes inté­rieurs ». mais « Ça pren­dra le temps que ça pren­dra et ça pas­sera. » L’auteure a décidé de ne plus jamais trem­bler de jeter ces pierres du cœur pour se don­ner de l’élan sans bornes sans excuses. Il s’agit  écrire dans l’air sans suivre la ligne sans cher­cher à être à la hau­teur.
” Je ne sais pas pour­quoi le monde tel qu’il va veut nous mettre à terre. Par l’écriture, par la boue ils veulent notre peau ils n’auront pas notre peau”, dit-elle mais sa langue passe au-dessus de ses rêves pour éprou­ver encore les mêmes sen­sa­tions face aux véri­tés qu’on ignore voire pour s’en appro­cher, s’en amu­ser, s’en déta­cher afin de “don­ner des chances dans l’imprévisible et conti­nuer à espé­rer un amour à deux et une famille à cinq ».

Libre de ses clés, elle ne cherche pas à polir des clous plan­tés en elle pour la repri­ser : “qu’on me laisse mes brouillons, mes brouillards qu’on me laisse être une femme à vie qu’on me laisse être la femme de ma vie … elle est née fille libre. Et non mal­léable sous réserves.” Les hommes déver­sant leur haine, elle part faire ses valises. C’est décidé, d’aujourd’hui elle se moder­nise. Fileuse de cou­leurs, son cœur qui cré­pite est tissé entre les frac­tions des poèmes et les miracles des impos­sibles. Cha­cun au pre­mier pas qu’elle pose hors du lit chaque matin ; car elle se lève avec hâte pour embras­ser la vie et son enfant.
D’où ce lyrisme impé­tueux non sans sua­vité. Imen Moussa rap­pelle que la terre est l’enfer comme si la vie est la puni­tion de quasi dam­nées. Mais sou­dain le ciel, les étoiles et ce chant ne rendent pas la dou­leur plus atroce : ils tentent de pla­cer les femmes en plein cœur du para­dis. Un lec­teur ou une lec­trice vit avec une telle langue, avec son très ancien centre har­mo­nieux mais étouffé, et tout autour d’horribles périphéries.

Jean-Paul Gavard-Perret

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