Phare d’eau

Jean-Paul Gavard-Perret

Écrire ne défait nulle emprise. Envie d’être pourtant, comme le rappelle l’ange dit « gardien » et frémissant d’une jouissance longtemps tenue sous la peau. Face à la sensation d’être rien, un corps prend la parole. Et ce, au nom d’un manque de père caché derrière une mère nourrissante bien en chair devenue dévorante et lumineuse mater. Ce qui ne peut que sourdement la déprimer. Quant à celui qui suit, son moi désormais troué se réalise sur le plan du fantasme qui au besoin ouvre à la création, à l’intellectualisation, à la déviance ou au suicide. Mémoire de la chair du corps du père presque absent, mémoire du corps de mère dissous. Celui des amantes engendre des doubles. Désiré, un tel sujet révèle l’objet perdu, le représente. Retour à une mère vivante revendiquant une jouissance dont elle s’est privée.
Le fils s’entend dire oui mais le non est à l’intérieur. L’analyse logique n’a pas de prise. Trous de silence, interdits, dans le discours où le « ma » ment. Comment rejouer le deux ? Le masculin s’étonne devant le féminin. L’inverse est vrai aussi. Est-ce là brouiller les pistes ?

Baruch Elron – La magie du pinceau

Adrian Grauenfels

Un ouvrage exceptionnel nous présentant ce grand peintre Baruch Elron et ses magnifique réalisations.

« Elron fluidifie le temps, crée des chimères, du surréalisme et un onirique qui donne à réfléchir. Son langage pictural est basé sur des symboles internationaux actualisés et adaptés à la réalité moderne. Nous découvrons rapidement que chez Elron coexistent deux couches de réalité : la première, c’est la réalité généralement acceptée, la deuxième, celle à laquelle il superpose sa perception personnelle. La dualité de l’interprétation capte immédiatement l’attention du spectateur. »

Format A4, 94 pages, images en couleurs

Une réponse à “Baruch Elron – La magie du pinceau”

  1. Avatar de CHOURRY Josselyne
    CHOURRY Josselyne

    Entrer dans l’espace pictural de Baruch Elron (1934-2006), c’est apprendre à laisser cohabiter ancien et présent, à revisiter des histoires bibliques transposées dans notre temps. Mais si Elron est inspiré par ses origines juives, ses peintures sont à la fois nostalgiques et universelles, naviguant dans les filets du temps comme d’éphémères papillons qui renaissent à chaque instant dans l’envol de son pinceau. Elron est un magicien, qui joue avec les couleurs, compose des premiers plans délimitant l’espace de la toile pour attirer notre regard, mais derrière il inscrit un autre horizon à découvrir, tel un jeu de piste pour nous inviter dans son intimité. Il y dépose aussi des objets hétéroclites en apparence, des balles de fusil abandonnées près d’un vase bleue, des insectes, des bulles transparentes, comme des rébus à décoder. Elron capte notre attention puis suggère, semble nous lancer un défi.
    Comment qualifier son style ? Imaginaire et réaliste à la fois, fantastique, un brin subversif, surréaliste, intimiste parfois, ludique aussi ? – Comme écrit son biographe Adrian Grauenfels : « Avec son originalité et son esprit artistique imaginatif, Elron influença fortement l’art israélien et étranger. Le style réaliste-fantastique tient compte de l’environnement, de la condition humaine et du comportement complexe de ses semblables. Il cherche à déchiffrer le cœur et l’âme du sujet. Son esthétique atteint ce moment magique où l’artiste trouve l’équilibre parfait entre abstrait et réel, enfance et vieillesse, lumière et ombre, rêve et réalité. »
    Elron osa et fit, intégrant des personnages bibliques à notre époque, n’hésitant pas à revêtir le prophète Jonas avec une combinaison de plongée, entouré de nos déchets. Elron évoque nos paradoxes humains, il observe et met en scène nos outrecuidances. Sa Tour de Babel a huit jambes et son diptyque de Sodome et Gomorrhe présente d’un côté une scène débridée et carnavalesque, de l’autre un sol mosaïque à damiers noir et blanc qui semble prolonger un rocher, puis une chaise en chair aux formes féminines avec au sol des bulles d’espoir. Il y a de l’inachevé et une possible espérance dans son œuvre. Rien n’est totalement triste et désespéré.
    Avec Adam et Eve, il n’hésite pas à bouleverser les symboles en remplaçant les feuilles de figuier qui cachaient leur nudité par des billets, des dollars en l’occurrence, dont l’allusion au libéralisme économique et à notre société de consommation effrénée est évidente. Mine de rien, Elron dénonce, et si certains trouvent ses représentations quelques peu iconoclastes, qu’importe ! Car son œuvre entière est impressionnante, par sa composition, par un style Renaissance revisité parfois, un clin d’œil à la Vinci, un brin de Dali, avec des toiles narratives où affleurent des symboles éternels. Baruch Elron est unique et c’est en cela qu’on reconnait un grand peintre, un maître pour la postérité qui s’inscrit dans la Grande Toile de l’humanité.
    Voici un livre-album, un livre-musée à lire et à regarder dont je conseille amplement la découverte. A savourer sans retenue, sans oublier les bribes de poèmes qui l’accompagnent !
    Merci à Adrian Grauenfels pour cette compilation d’œuvres d’Elron ainsi qu’à l’animatrice des éditions Constellations pour cette excellente publication.

Le mystère Rocamadour

Père Ceslas-Marie

Le Père Ceslas-Marie raconte au visiteurs et pèlerins l’étonnante et tellement belle histoire du sanctuaire de Rocamadour qu’il le leur fait découvrir dans « toute sa splendeur ».

« En faisant un bond prodigieux de 30 000 ans en avant, on arrive au Ve siècle après Jésus-Christ. Que se passe-t-il ici au Ve siècle après Jésus-Christ ? Arrive, en ce lieu, un homme qu’on appelle un ermite. Savez-vous ce qu’est un ermite ? […] Un homme qui vit seul, tout à fait. Pourquoi vit-il seul, est-ce parce que c’est un misanthrope ? Non. Quel est alors le but de cette solitude ? […] C’est effectivement la recherche du Dieu dans la prière et la solitude. Cet ermite a un nom qui va vous dire quelque chose, du moins je l’espère, sinon cela veut dire que vous êtes fatigués. Il s’appelle Amadour, ça vous dit quelque chose ça, Amadour ? […] Roc-Amadour, vous l’avez bien deviné, il a donné son nom au lieu. »

Format livre de poche (11×18 cm), 80 pages, images en couleurs

Baruch Elron – Dessins, esquisses

Adrian Grauenfels

« Les archives d’Elron ont été prises dans leur intégralité pour être étudiées, triées, les dessins ont été scannés pour être reproduits numériquement et imprimés. Nous n’avons pas cherché à séparer les dessins originaux ni à les classer par contenu visuel, mais à les conserver dans l’ordre choisi par l’artiste. Il est difficile d’établir une chronologie exacte, car Elron n’a pas mentionné de dates ou d’événements reliant ses dessins à l’axe du temps. Les dessins sont exécutés à la plume, au crayon, au stylo de couleur, à l’encre noire. J’ai également reproduit certains dessins photocopiés lorsque l’original était perdu ou n’existait pas dans les archives. Veuillez noter que nous ne trouverons pas dans les archives des dessins préparatoires à l’échelle pour les peintures à l’huile de la collection Elron. Cette étape n’existe pas dans l’œuvre de l’artiste, mais elle a été remplacée par une autre technique, tout aussi efficace, qui consiste à dessiner avec de craies de couleur sur un fond noir. »

Format A4, 134 pages, images en noir et blanc (esquisses) et couleurs (tableaux)

« À travers la rosée et les nuages » – récension de Daniel Malbranque

Pour le plaisir, une magnifique critique littéraire adressée au recueil « À travers la rosée et les nuages », de Nicolae Petrescu-Redi, et rédigée par Daniel Malbranque, poète, écrivain, animateur de la revue « La Vie Multiple« , membre du comité de rédaction d’ « Instinct Nomade » :


Perles de rosée et fleurs de nuage

« La grâce de l’enfance est la disgrâce de l’âge mûr. » regrette amèrement le grand poète italien Umberto Saba, dans ses Raccourcis (1945). Ouvrage qui ressort de l’art de l’aphorisme. Cet art pour lequel Nicolae Petrescu-Redi met en œuvre toute sa grâce reconnue de poète. C’est ainsi que nous devons saluer son dernier recueil intitulé A travers la rosée et les nuages ( éd. Constellations, 2022). L’aphorisme a cette vertu de suspendre la pensée dans une éternité de l’instant. Et lorsque celle-ci s’exerce autour du thème de l’enfance, toute la magie d’un temps, où le rossignol de l’arbre généalogique gazouille, éblouit le moindre mot. Nicolae, les enfants s’interpellent par leur prénom, excelle à lever ainsi l’imagination jusqu’au conte de l’écho.

Par étymologie, l’aphorisme est ce qui définit, ce qui délimite. Le tour de force de Petrescu-Redi est au contraire de nous propulser hors des limites. La littérature n’est pas assez vaste pour contenir l’émoi, la justesse et la beauté d’une seule de ses splendides assertions. A chaque phrase il atteint l’Eden de la poésie. N’est-ce pas ce qu’il semble dire lorsqu’ il affirme que « la plume du perroquet est belle jusqu’à ce que vous la trempiez dans l’encre » ?

Nous revenons à l’enfance omniprésente dans ce court recueil, magnifiquement traduit par Amalia Achard. L’auteur sait ce qu’il doit à cet âge paradisiaque. A travers ses rêves, son imagination, son innocence sa pureté mais aussi son sens de l’essentiel, et son esprit d’aventure, il traverse toute la panoplie des sentiments dans des formules qui percutent et en même temps nous laissent heureux de voir les portes du Possible s’ouvrir. Angélisme, pourrait-on croire ; il est vrai que « l’enfant prête ses ailes pour que nous rejoignons son ciel« . Cependant le poète n’oublie pas que « l’enfance » peut être « sans enfance« , que si « l’étoile de la mère s’est éteinte son ciel demeure« , que « le sang du soldat ne se transforme pas en eau mais en larme d’orphelin« . Il n’est pas alors anodin que le livre soit dédié entre autres aux enfants ukrainiens.

Aux aphorismes, Nicolae Petrescu-Redi ajoutent dans son recueil une quinzaine de poèmes sur le même thème des vertes années aux secrets parfois douloureux. La même grâce que dans les aphorismes nous emporte. Je retiendrai particulièrement celui consacré à Mon Père où il est dit : « enfant / mon père me réveillait / de bonne heure / et je l’aidais / à semer / des horizons« . Tout est là, en quelques mots simples suffisants à nous faire entrevoir l’amour entre un père et son fils.

Devenu adulte, Nicolae nous révèle que sous sa cape de poète il continue à porter un pantacourt. Sous la cape de Nicolae Petrescu-Redi devenu poète continue à battre un cœur d’enfant.

Daniel Malbranque, poète, écrivain, animateur de la revue littéraire

« La Vie Multiple », membre du comité de rédaction d’ « Instinct Nomade ».