Attentat du tableau – chronique

Yannick Girouard signe avec « Attentat du tableau » une œuvre audacieuse et captivante, qui nous entraîne dans les méandres de l’histoire, de la culture et du conflit humain à travers une narration évocatrice.

Ce roman n’est pas seulement une fiction haletante ; il est une réflexion philosophique et anthropologique qui s’inscrit dans la droite ligne des travaux de René Girard. En particulier, il met en scène avec brio deux concepts centraux chez Girard : le bouc émissaire et le désir mimétique.

Le héros, Gabriel Ruevos, incarne tragiquement la figure du bouc émissaire, cet innocent sacrifié pour canaliser les violences et apaiser les tensions d’un groupe. Dès les premières pages, Gabriel est projeté au cœur d’un conflit inextricable : son œuvre – un tableau controversé – devient l’épicentre de passions déchaînées. À travers lui, Yannick Girouard démontre comment une communauté, rongée par ses divisions, trouve un point de convergence dans l’accusation collective.

Gabriel n’est pas simplement un individu : il est une métaphore vibrante des sociétés déchirées qui cherchent désespérément un exutoire à leurs antagonismes.

La lecture girardienne du roman nous invite également à voir dans le tableau, une représentation symbolique de la terre disputée, véritable enjeu du conflit israélo-palestinien. Yannick Girouard parvient à illustrer, avec une lucidité troublante, que ce qui nourrit ce conflit n’est pas seulement un besoin matériel ou une volonté de survie, mais bien un désir mimétique. Chaque camp désire ce que l’autre revendique, non seulement pour sa valeur intrinsèque, mais parce qu’il est vu comme essentiel dans le regard de l’autre. Cette spirale mimétique, où les désirs se contaminent et se renforcent mutuellement, mène à une escalade de rivalités insolubles. Le tableau, tout comme la terre dans la réalité historique, devient un objet chargé d’une puissance symbolique et sacrée.

Yannick Girouard ne se contente pas de théoriser ces concepts ; il les incarne dans une écriture sensorielle et poétique. Les dialogues, denses et passionnés, semblent vibrer des tensions et des espoirs d’un peuple divisé. Les descriptions du tableau central rappellent que l’art peut à la fois provoquer et apaiser, diviser et unir. Ce paradoxe est l’un des grands mérites du roman : il ne donne jamais de réponses simplistes, mais nous invite à réfléchir sur la nature même des conflits humains.

En parallèle, Yannick Girouard laisse entrevoir une possibilité de rédemption: Si Gabriel est le bouc émissaire désigné, son sacrifice porte en lui une promesse implicite de réconciliation. Le héros devient ainsi une figure christique moderne, un écho des lectures girardiennes du Nouveau Testament, où le cycle de violence peut être brisé par l’amour.

En conclusion, « Attentat du tableau » est un ouvrage à la fois récit palpitant et réflexion existentielle. Yannick Girouard réussit l’exploit de rendre accessibles des concepts girardiens complexes tout en nous tenant en haleine avec une intrigue poignante.

C’est un roman qui ne se contente pas de raconter une histoire : il nous pousse à interroger nos propres désirs, nos propres conflits, et la manière dont nous projetons nos frustrations sur autrui ! »

Cyriaque Benoist

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