
Jean-Paul Gavard-Perret
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« Femmes si proches… et si lointaines ! Recevez ces mots comme des chants d’Amour Une caresse en vos absences Un rappel d’une présence Le frisson du souvenir Cueillez ces vers enluminés Dans la sève du désir. », écrit Bernard Poullain en forme d’introduction.
Toutefois, il met des points sur des i – et ils sont importants. D’où son admiration et son hommage pour Gisèle Pelicot. Cela est pour lui nécessaire, même si ce texte est en contrepoint avec la thématique de ce livre. « Grâce »(si l’on peut dire) à une telle femme et son courage, « L’invraisemblable est souvent plus vrai que le vraisemblable. » et son témoignage nous place au comble de l’abjection. Mais au-dessus de cette infamie, une femme s’est levée et a assumé sa souffrance.
De fait existe ici non un démenti mais un dièse car la question du désir peut demeurer – dixit Lacan – un symptôme. Mais à partir de cet hommage et témoignage, l’auteur prêche désormais pour la vérité. D’où ces aveux : « Des femmes qui passèrent / une seule m’a laissé une trace / écho poignant, empreinte / indélébile dans l’harmonie / entre mon désir profond et celle que j’espérais / Qu’il fût long ce temps avant de ressentir ce frisson qui m’a plongé en certitude ». Certes, pour en arriver là et afin d’exprimer la vague et l’onde à venir, tout commence par des mots pansements face à la solitude : « Un poème soudain éclipse tous mes maux / Baume secret posé par la douceur des mots« .
L’auteur reste lucide non seulement sur le cas Pélicot mais sur le concept de l’amour. En effet dans les poèmes sur le thème, « N’a-t-on pas tout écrit sur tout, sur la beauté d’un orbe de lune avant que se transmue la nuit en pâle lueur d’aurore, (…) N’a-t-on pas tout dit sur l’Amour ? ». Il sait qu’un tel plein est un trop mais selon lui « seul compte pour les amants / les mots qu’ils s’échangent / chuchotements à leurs oreilles de mots inventés, / connus d’eux seuls comme preuve de leur quête ».
Le livre s’arrime non sur le verbiage amoureux mais sur sa propre blessure affective et le sens et l’essence des émotions et des sentiments dans l’intime des âmes. En ce sens, l’auteur demeure platonicien. Pour lui, le frisson reste divin même s’il reste victime de son amour majeur mais raté et qui l’enferme dans sa propre solitude.
Ici, ces évocations ne sont jamais en roue libre et en ce sens ces poèmes sont « cardiologiques » et leurs courses finissent en volte-face. Mais de son lien, le poète ne peut s’en extirper : « Tu n’as laissé, indélébile trace, / Qu’un songe trop présent tel un parfum tenace. / Chaque automne revient le fantasme estompé ». Néanmoins, l’auteur tient même s’il n’a pu saisir son étoile. Elle reste filante, Mais elle n’est pas une naine blanche d’un rêve évaporé.
L’ensemble est touchant, puissant et juste. Il faut de tels mots pour l’évoquer.
Jean-Paul Gavard-Perret