Adrian Grauenfels : Sur les traces de Victor Brauner, le peintre voyant

Adrian Grauenfels et le « peintre voyant »

Adrian Grauenfels, « Sur les traces de Victor Brauner », éditions Constellations, Brive, 2023, 100 p.

Adrian Grauenfels est un poète, écrivain et traducteur, d’origine juive, originaire de Bucarest, installé en Israël, à Rishon LeZion.

Il a publié deux livres de poésie et de nombreux articles artistiques et culturels (entre autres sur Gherasim Luca, Carlo Carra, Maud Friedland, Ansel Adams, Eugene-Auguste Atget, Anselm Kiefer, James Joyce, Dada, Italo Calvino, Saul Leiter, Samuel Bak, Avigdor Arikha) et cet essai sur Victor Brauner.

Dans cet ouvrage il montre que toute sa vie, Victor Brauner aura été l’exclu par excellence. Fils d’une famille elle-même chassée de sa région d’origine ( la Moldavie, ) par la répression russe, Victor Brauner est exclu d’abord par ses parents, puis de de l’école des beaux-arts qui le considère comme très peu doué, et finalement considéré comme faisant partie des Surréalistes par André Breton, grand spécialiste dans ce genre d’exercice.

Un soir d’août 1938, suite à une bagarre et pour s’interposer entre les deux belligérants, il est frappé au visage et perd son œil gauche. Cet incident devient un franchissement du miroir pour celui qui avait anticipé l’accident avec son « Autoportrait »(1931) où il se représentait avec l’œil gauche énucléé.

Il doit réapprendre à regarder mais se trouve soudain considéré par les Surréalistes comme « le peintre voyant ». Toutes ces exclusions vont nourrir sa psyché : le monde le rejette, mais Brauner va le réinventer en le nourrissant de ses propres fantasmes. 

Même lorsqu’en juin 1940 une dernière exclusion ou plutôt un enfermement a lieu. Il se retrouve à Marseille avec les Surréalistes mais ne parvient pas à obtenir un visa pour fuir la France, il est obligé de se cacher et peindre dans la clandestinité pour éviter la déportation.

Il va peindre sur ce qu’il trouve et avec ce qu’il trouve. Mais cette période de difficultés matérielles est aussi une période de créativité.

Brauner innove sans cesse et mélange emmêle les mythes  dans la peinture en créant son propre système de signes et de symboles héritée de sa culture mais aussi des arts africains et océanien qu’il commencera à collectionner dans les années de l’après-guerre.

L’auteur illustre comment celui qui fut empêché partiellement de voir et de vivre, découvrit un monde intérieur où il s’identifia parfois à des animaux : il observa ainsi le monde comme un chat, un renard, un serpent afin d’inventer des créatures magnifiques et puissantes et souvent bisexualisées, mais où le principe féminin l’emporte. Brauner estimait que la guerre était née du mâle enceint du mal. Il proposa en réponse un monde – que l’on redécouvre depuis quelques années –  aussi enfantin que terrible et dont l’humour est rarement absent.

Jean-Paul Gavard-Perret

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