Chronique de Raphaël Detrie
Dans „Le cœur à l’envers”, Fitaki Linpé se dévoile (un peu). Comme un ogre boulimique. Tout fait poème nous dit-il : « Tout fait poème, / même les fruits et les légumes, /même l’ennui et le silence. » Ou encore : « Le poème vient / comme une envie de pisser, / je joue, je joue, je joue, / et soudain / l’envie pressante, / le poème impossible à différer, / dictatorial. » Cela parle de poésie surtout, d’amour évidemment, de sens aussi. Il nous entraîne, l’ami Fitaki, insatiable dans sa quête d’introspection et d’expression(s). Ce recueil résonne d’une dualité vibrante : la pudeur des sentiments intérieurs et une volonté quasi viscérale de les exposer. Cette tension crée une écriture ramassée, parfois semblable à un cri (sourd ou perché), un appel à être écouté, entendu, pour aboutir finalement au partage, essence même de sa démarche. La ligne de crête du recueil – la recherche de sa propre lumière et une interrogation sur celle de l’autre. La lumière extérieure, émanant des relations ou souvent du regard des femmes, devient un miroir éclairant l’intime. Fitaki interroge les paradoxes, les siens et ceux de l’existence, avec une écriture de douleur et de douceur, parfois comparable à celle d’Arthur Teboul, le poète chanteur de « Feu Chatterton », vous capte d’une intensité presque mystique. Ils ont d’ailleurs en commun, les poètes et le chanteur, l’amour de Bobin. Il y a, dans leurs approches croisées, une forme de christique poétique : une volonté d’embrasser l’immensité des sentiments humains, de s’offrir totalement dans les mots, tout en cherchant une rédemption, mais laquelle ? « Que me manque-t-il / pour vraiment voler ? / Ne me parlez pas d’ailes, / ni d’elles. / Je sais que ça ne / viendra pas non plus / d’un violoncelle. / Je m’envolerai / quand la peur aura / déshabillé ses fantômes, / quand la mort chantera / des psaumes, / à l’oreille des sacrifiés. » Lorsqu’il n’écrit pas, on imagine que Fitaki ressent un feu qui s’assèche, une nuit qui gagne du terrain. Un flux vital qui refuse l’extinction et se déverse avec gourmandise sur le papier. Les photographies qui accompagnent les poèmes méritent également une mention spéciale. Elles ne sont pas de simples illustrations, mais des prolongements pour une contemplation sensible. « Aux flammes / j’abandonne / mes dernières illusions. / Je brûle aussi / cette part triste de moi. / Je jette aux braises / mes peurs mauvaises, / et je fais cendres / de cette histoire / qui m’alourdit, / pour embrasser à pleines lèvres / ce nouveau printemps / qui se lève. »